Il y a fort longtemps, je consultais les vieux numéros de « l'illustration » qui traitaient du Salon d'Automne, et dans lesquels j'ai pu retrouver d'ailleurs des reproductions des toiles de Paul Chabas.
Dans l'un de ces numéros j'ai découvert une anecdote amusante que je vais vous conter :
La scène se passe dans un amphithéâtre de la faculté de médecine. Le professeur met l'accent sur la nécessité d'identifier une maladie par ses symptômes, en établissant un premier diagnostic au chevet du malade.
« Un bon médecin doit avoir le don d'observation, et ne pas hésiter à se servir de ses sens pour anticiper les résultats des analyses ultérieures. »
Un verre évasé était posé sur le bureau devant le tableau. Il le saisit et le porte à la hauteur de ses yeux.
« Je vois là une urine claire. Elle pourrait être foncée ou trouble. Je la respire ; l'odeur est légèrement fade, mais elle pourrait être très forte. Nous verrons plus tard la signification de ses remarques. Mais dès maintenant je pourrai déceler un diabète en la goûtant. Murmures d'incrédulité dans l'amphi. Le professeut trempe son doigt et le suce. Rictus de dégoût parmi les étudiants.
« Jeunes gens, si vous voulez être médecin, il faut en passer par là. Vous allez faire ce que je viens de faire. Allez, allez, on ne rechigne pas. »
Le professeur surveille attentivement ses élèves, la plupart font la grimace. A la fin de la tournée, il commente
« Au début de mon cours j'ai dit qu'il fallait être très observateur, or aucun de vous n'a remarqué que j'ai tremper l'index et que j'ai sucer le majeur »
Et devant la mine déconfite de ses étudiants, il ajoute avec un grand sourire « Vous avez encore des progrès à faire »
Ce professeur, qui avait été un jeune carabin, enclin comme les autres aux mauvaises plaisanteries, s'était senti soudain envahi, avec délectation, par un regain de jeunesse.
A bientôt
Georges 
